Anglicisme. Les anglicismes presentes dans la langue francaise.

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Etude des anglicismes à la télévision francophone Muriel SYMONS Dans notre mémoire, nous avons étudié l’emploi des anglicismes à la télévision francophone. Lors de l’état de la question, il s’est avéré qu’aucune étude jusqu’ici n’a été consacrée à ce sujet et que la plupart des ouvrages concernant les anglicismes se limitent à l’explication des causes et des conséquences éventuelles de l’invasion des termes anglais ou à l’analyse linguistique de ces derniers. Certains auteurs, comme Bécherel (1981) et Lenoble-Pinson (1991), proposent en plus des équivalents français. L’absence d’études consacrées à la présence de l’anglais dans les médias est surprenante en fait. En effet, depuis que Etiemble (1964) a publié son célèbre Parlez-vous franglais ?, la problématique a suscité et continue à susciter des discussions véhémentes. On constate que, à partir de la deuxième guerre mondiale, toute une série d’anglicismes se sont très vite répandus dans la langue courante du locuteur moyen, tandis que dans le vocabulaire technique et scientifique des spécialistes, l’anglais est parfois massivement présent. Si certains locuteurs puristes rejettent les anglicismes, d’autres les trouvent attrayants. Pour ceux-ci, l'attrait des emprunts s’explique avant tout par la prétendue simplicité, la concision et la précision de l’anglais. Pour les jeunes, en particulier, l’anglais fonctionne souvent comme le symbole d’une appartenance à une culture qu’ils idolâtrent . L’étude de Pergnier (1989), consultée également lors de l’état de la question, nous a fourni une typologie des anglicismes. Pergnier distingue six catégories différentes : l’anglicisme intact, où la forme et le sens du mot ont été empruntés (ex. pull-over), l’anglicisme tronqué, où le signifiant subit une troncation (ex. living de living-room), l’anglicisme de signifiant, où seule la forme a été empruntée à l’anglais (ex. interview), l’anglicisme francisé, qui a subi différentes adaptations au niveau formel (ex. durabilité), le calque, où l’emprunt a été traduit dans ses éléments composants (ex. haute-fidélité) et l’anglicisme sémantique, où un nouveau sens à partir de l’anglais a été attribué au mot français (ex. étoile dans le sens de “vedette”). Après cette introduction générale dans la matière, nous nous sommes penchée sur un cas spécifique, l’emploi des anglicismes à la télévision francophone. A cette fin, nous avons nous-même établi un corpus. Celui-ci est constitué de dix émissions du journal télévisé de 19h30 à la RTBF et de deux fois dix épisodes des séries américaines Beverly Hills 90210 et Melrose Place. Après avoir relevé tous les emprunts anglais, nous les avons ensuite cherchés dans les quatre grands dictionnaires de la langue française : le Trésor de la langue française, le Grand Robert, le Grand Larousse et le Grand Larousse Encyclopédique. Notre but a été tout d’abord de voir si les anglicismes sont répértoriés dans les grands dictionnaires et de comparer l’attitude des lexicographes face aux anglicismes. En effet, nous avons pu constater des tendances conservatrices ou au contraire progressistes chez les uns et chez les autres. Ainsi, il ressort de notre étude que pour le premier échantillon (les vingt épisodes des séries américaines), le Grand Robert est le plus complet en attestant 98 des 106 anglicismes relevés. Ensuite vient le Trésor de la langue française qui en atteste 86. Pour le deuxième échantillon, les dix émissions du journal télévisé, nous avons trouvé le plus d’anglicismes (36 des 41) dans le Trésor de la langue française et dans le Grand Larousse de la langue française. Au total, le Grand Robert s’avère le plus ouvert face aux anglicismes, et le Grand Larousse Encyclopédique le plus réticent.

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Ensuite, nous nous sommes posé la question de savoir comment on parvient à détecter les intrus anglais en français. Nous avons cherché en d’autres mots à mettre en évidence les différences entre les formes anglaises et les formes françaises. Nous avons appliqué cinq critères d’identification aux anglicismes de notre corpus : le critère graphique, phonologique, morphologique et morphosyntaxique, sémantique et historique. Or, pour la plupart des emprunts, seuls les deux premiers critères jouent un rôle dans le repérage des anglicismes en français. En outre, les locuteurs ont tendance à l’oral à “camoufler” les anglicismes en francisant la prononciation, ce qui fait que même le critère phonologique se révèle souvent peu utile. Pour analyser dans quelle mesure les anglicismes relevés sont intégrés dans la langue française, nous avons étudié trois théories linguistiques différentes. Haugen (1950) distingue deux grands moyens d’intégration, l’intégration phonologique et l’intégration morphologique. Par ailleurs il oppose l’importation (le point de vue de la langue étrangère) à la substitution (le point de vue de la langue indigène). Ainsi, nous parlons d’importation phonologique, lorsque le son étranger est respecté dans sa prononciation originale, alors qu’en cas de substitution phonologique, le locuteur effectue (in)consciemment des aménagements phonologiques en adaptant la prononciation du terme anglais au système phonologique français. Haugen distingue encore une troisième catégorie, des cas intermédiaires. Il subdivise cette classe en calques (loantranslations) et emprunts sémantiques (semantic loans), qui relèvent tous les deux de la substitution, et loanblends, qui portent des marques d’importation et de substitution. Il ressort de notre corpus que la grande majorité des anglicismes intégrés dans le français parlé ont subi des aménagements phonologiques et relèvent par conséquent de la catégorie de la substitution phonologique. La raison en est qu’une prononciation à l’anglaise poserait sans doute des problèmes de compréhension au public francophone. Au plan morphologique par contre, les anglicismes repérés relèvent surtout de l’importation, étant donné que les morphèmes anglais tels que -ing, -man, -er sont souvent maintenus en français. Ajoutons également que les cas de loanblend, du type bluffer, briefer, etc., constitués d’un radical allogène et d’un suffixe indigène, sont fréquents aussi. Nous avons étudié également la théorie de Rey-Debove (1973), bien qu’elle ne s’applique guère à notre corpus, étant donné qu’il s’agit dans notre mémoire de la langue parlée et que nous ne tenons pas compte du contexte environnant des emprunts. La théorie de Rey-Debove s’applique en effet davantage à la langue écrite et elle tient compte des paraphrases, en langue maternelle, qui suivent ou précèdent l’emprunt. Rey-Debove distingue trois phases dans le processus de l’emprunt, basées sur l’indice d’autonymie de l’anglicisme. Dans la phase métalinguistiqueautonymique, le locuteur emploie d’abord le mot de sa langue maternelle (M1), et il ajoute le pendant dans l’autre langue. Dans la phase intermédiaire, la phase à connotation métalinguistique-autonymique, le locuteur emploie d’abord le mot étranger (M2), qu’il fait suivre d’un commentaire métalinguistique dans sa langue maternelle en ajoutant la périphrase “comme on appelle M1” ou la conjonction “ou” ou il met le M2 en italique, entre guillemets ou entre parenthèses. Enfin, dans la phase d’aboutissement, tout indice d’autonymie a disparu. La troisième théorie sur l’intégration de l’emprunt que nous avons étudiée est celle de Humbley (1973-74), qui distingue entre les hybrides de radical (le morphème a subi une substitution partielle), les hybrides de dérivation (des mots composés de radicaux de la langue 2 et de morphèmes liés de la langue 1) et les lexies complexes hybrides (des mots qui consistent en deux ou en plusieurs morphèmes libres, dont un au moins est emprunté). Après l’analyse linguistique des emprunts, nous avons abordé la question des termes anglais à

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la télévision francophone du point de vue de la politique linguistique. Le but de notre étude était double. D’une part, nous nous sommes demandé si on observe une politique linguistique concernant les anglicismes à la télévision francophone et s’il existe une attitude plus stricte quant au nombre d’anglicismes permis à la télévision francophone suite aux discussions sur le franglais du début des années quatre-vingt-dix. D’autre part, nous avons comparé les deux genres de programmes télévisés pour voir s’il y a des différences quant au nombre d’anglicismes attestés. Nous sommes partie de l’hypothèse que la fréquence des anglicismes serait plus élevée dans le français doublé des séries américaines, puisqu’il s’agit d’une traduction immédiate de l’anglais, alors que dans le journal télévisé, on parlerait un français “authentique”. Or notre hypothèse s’est trouvée infirmée : le nombre d’anglicismes est même légèrement plus élevé dans le journal télévisé que dans les séries américaines. Un discours traduit de l’anglais ne porte donc pas d’office plus de traces de son origine qu’un document authentique. Il convient néanmoins d’attirer l’attention du lecteur sur la complexité des hypothèses. En premier lieu, nous avons conclu que le journal télévisé, où on emploie un discours non traduit, contient plus d’emprunts que le doublage des séries américaines, un discours traduit. En fait, les théoriciens montrent que tous les discours contiennent des traductions. Le discours non-traduit n’existe pas vraiment. L’emprunt est en quelque sorte un élément de non-traduction dans la continuité du discours. En deuxième lieu, on pourrait supposer que le public visé, son âge, les circuits de communication et le genre de programme télévisé jouent un rôle. Un programme destiné aux adolescents contiendrait-il plus d’anglicismes qu’un programme pour adultes, étant donné que les premiers intègrent en général plus d’anglicismes dans leur langue, par admiration devant la culture nordaméricaine? La télévision commerciale serait-elle plus laxiste que la télévision publique envers les anglicismes, comme elle l’est envers les gros mots? Y aurait-il plus d’emprunts en Belgique francophone qu’en France? Une des principales difficultés est que, dans de multiples circonstances, ces commentaires sont normatifs. Or, ce qu’il faut, ce sont des études descriptives et empiriques, ce à quoi nous avons tenté de répondre ici. Ensuite, nous avons vérifié s’il existe à la télévision francophone une politique linguistique concernant les anglicismes. Nous nous sommes d’abord demandé si la proposition de loi Toubon, du quatre août 1994, prévoyait des directives concrètes quant à l’emploi de termes anglais à la télévision francophone. Et dans l’affirmative, nous nous sommes demandé ensuite, si la loi avait alors eu un effet réel sur le travail des traducteurs, des doubleurs et des journalistes responsables de la rédaction du journal télévisé. Nous avons, à cette fin, dépouillé trois journaux français, à savoir Le Monde, La Tribune Désfossés et Les Echos pour y repérer tous les articles consacrés à cette loi, apparus entre janvier 1994 et décembre 1996. Nous y avons trouvé une version intégrale de la loi Toubon qui impose d’ailleurs effectivement l’emploi de la langue française pour l’ensemble des émissions et des messages publicitaires des organismes et des services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle. Or, nos différents contacts avec, d’un côté, les traducteurs et doubleurs de séries américaines, et de l’autre, la rédaction du journal télévisé de la RTBF, nous ont appris que la proposition de loi Toubon n’est pas prise en considération lors de la traduction ou de la rédaction d’une émission. Ce sont par conséquent l’intuition pure et le goût personnel du traducteur qui déterminent la quantité de termes anglais attestés. Leur présence reste donc tout à fait d’un emploi arbitraire. Les directives du projet de loi Toubon ne sont pas du tout mises en pratique et on peut dire, dans le domaine des anglicismes comme dans d’autres, qu’il y a loin de la coupe aux lèvres !

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